Créaction

Voici la Fabulette histoire pleine d’imagination, d’un petit bonhomme au nom de Réaction.

 

   Vous vous en doutez certainement, Réaction était un garçon très impulsif. Il avait un avis sur tout, et ne ratait jamais l’occasion de se faire entendre. Toujours tout pour, ou tout contre, tout oui ou tout non. C‘était plus fort que lui, il ne pouvait s’empêcher de réagir à ce qui se passait autour, même quand ça ne le concernait pas. Cela avait ses avantages, car il était très influent. Il n’hésitait pas à prendre la parole pour de longs discours, de grandes tirades éloquentes, pleines de passion passionnante.

Il se retrouva à la tête d’un groupe d’amis: les Réactionneurs.

Pour eux, toute nouvelle, toute information était l’occasion d’approuver, ou de contredire: Opioui ou Opinion. 

Réaction entrait en éruption lors de ses prises de paroles, c’est peu dire qu’il était à chaud. Il scrutait le moindre conflit, la moindre petite histoire pour y prendre sa part. Peu à peu, il devint présent dans toutes les affabulations du village. Réaction sentit monter en lui l’âme d’un Chef. Chef du village, voilà qu’elle était sa vocation.

 

   Il décida de lancer une grande manifestation, pour aller contre les choix de Chef du Village. Contre quoi ? Contre , c’est tout. Ses amis le montèrent sur un piédestal. Le voilà déambulant sur son trône, pour aller narguer ce dernier, qui était là depuis déjà bien longtemps mais ne s’inquiétait pas plus que ça de cette petite boule de feu, tout juste sortie de l’oeuf.

 

   Réaction et ses amis arrivèrent devant la case du Grand Chef. Mais ils en avaient oublié la sagesse et la puissance. De ses deux yeux jaillissaient des flammes de sérénité. Ce fût la rencontre du Chat face au Lion .

Tous les amis de Réaction, prirent leurs pattes à leur cou, lorsque le Grand chef apparut devant eux. Réaction resta seul, sans bouger, sans pouvoir frémisser d’un poil de moustache.

    

    « Tu seras enfermé Pendant 40 jours dans le noir du Sommeil. Cela t’apprendra à vouloir capturer la lumière du Soleil. »

Ce fut la Sentence.

 

    Réaction se retrouva dans une petite case dans l’obscurité, avec de l’eau et à manger, deux fois par journée. La chute de son piédestal lui remit rapidement les pieds sur terre. Ou plutôt la tête, car il chuta à l’envers.

Dans cette petite pièce sans lumière, il n’avait plus rien à réactionner. Ni sons, ni couleurs, ni petit secret. Une nouvelle émotion s’installa au plus profond de lui …« l’en-nuit », lorsque l’on sombre dans la nuit. Il perdit la notion de temps et d’espace. Comme il n’avait nul part où aller, il plongea à l’intérieur de lui même, et s’y perdit.

Toutes ses pensées, ne trouvant plus de murs sur lesquels ricocher, de branches auxquelles s’accrocher, se dissipèrent petit à petit. Sans stimulation, sans action, plus de réaction. Retour à la case départ.

 

       Touc. Touc. Touc.

​

Le bout d’un bec apparut. Un oiseau venait de faire un trou dans le paillage du toit. Une douce lumière entréclaira la pièce. Il faisait nuit dehors. Sans autre forme de politesse, cet oiseau du Zeph disparut, avec dans son bec quelques bouts de pailles. Réaction fut pris d’une grand nostalgie. Il désirait aussi s’envoler, il avait compris la leçon, il s’en voulait assez. Une grande tristesse monta en lui. Quelques larmes se frayèrent un chemin de son coeur à ses yeux. Ce ruisseau devint Cascade. Il pleura, seul, assis sur le sol de Terre Rouge.

 

    Quand il rouvrit les yeux, son regard fut attiré par un rayon de lumière traversant l’air. Il suivit ce rayon jusqu’au sol, et découvrit… Une plume, une belle plume blanche aux reflets argentés. 

Il la ramassa délicatement. Au même moment, le rayon de lumière lui éclaira le visage.

Il leva les yeux vers le toit, et au travers du trou, crut voir un mirage. Un croissant lumineux, un C Majuscule, traversant l’obscurité et la brume. 

Mademoiselle Lune.

 

  Elle venait de lui hameçonner l’âme. Il ne put décrocher son regard, lié par un fil blanc argenté. Une illunimation. Une douce et bienveillante présence entoura Réaction dans un manteau de coton.

 

  Quelque chose se mit en mouvement à l’intérieur de son être. Ce mouvement parcourut son corps, de son coeur à sa tête, puis jusqu’au bout de ses doigts qui tenaient la plume. Une pâte rouge ocre s’était formée à ses pieds. En rencontrant la Terre sèche, ses larmes l’avaient transformé. A demi assis face au sol de la cage dorée, il y plongea sa plume, et sur cette méli-mélodie, commença à la faire danser. Il ne put s’arrêter. Ce fut un grand ballet pictural, des lignes, des courbes, des envolées tout en spirales. La plume lui donnait des ailes, il s’envola par le trou du toit dans l’immensité du ciel. Tout son corps entra dans la danse et il tourna , tourna , tourna , en état de transe.

Une seconde d’Éternité, unissant ses Dualités

Réaction n’était plus lui-même. Il s‘ouvrait à quelque chose de plus grand, de plus puissant. Ce fameux mystère de la Création.

 

  C’est ainsi, qu’à la lumière du Croissant de Lune et dans la danse d’une plume, que Réaction s’envola dans les airs de l’imagination pour devenir … Créaction.

 

  Le lendemain, le grand Chef vint le voir pour lui annoncer la fin de sa peine. Le temps de gestation était arrivé à son terme. 

En croisant le regard du Petit Bonhomme, il ne crut pas ce qu’il vit. Dans les yeux de Créaction, des milliers d’étoiles étincelaient, et au centre de sa pupille, 

 

Une Lune qui brille.