Rêvevision

    Voici la fabulette histoire de la grande évasion d’une petite bonnefemme au nom de Révision.

 

    Vous vous en doutez certainement, Révision passait beaucoup de son temps à revoir ce qu’elle avait déjà vu pour être sur qu’elle l’avait bien vu. Elle relisait, répétait inlassablement jusqu’à graver dans sa mémoire au crayon noir tout ce qu’elle pouvait voir. Il est vrai que la moindre incertitude la mettait dans un état de panique terrible et elle perdait tous ses moyens si elle s’apercevait qu’elle n’avait pas bien tout vérifier. Ai-je bien arrêté le gaz ? Ai-je bien fermé les fenêtres ? Ai-je bien fermé ma porte à clé ? Tout autant de questions qui tournoyaient dans son esprit et faisaient qu’elle n’hésitait pas à repasser en revu trois fois chaque chose pour être sur que cela avait été fait. Ces révisions étaient devenu routines puis habitudes, la faisant vivre inconsciemment dans un stress permanent. Ainsi chaque soir, avant d’aller dormir, Révision faisait trois fois le tour de sa maison, vérifiant que chaque lampe était éteinte, chaque porte fermée, chaque bougie soufflée. Puis elle restait dans son lit à veiller, sans trouver le sommeil, son mental semant des graines de doute dans le champs de sa conscience. 

 

    Mais ce soir là, allongée dans son lit, après avoir fait son tour de révision quotidien, elle ne trouva pas le sommeil. Tels des chevaux sauvages, ses pensées venaient, virevoltaient dans son esprit la tenant en éveil. Le fil de ses pensées se tendaient encore et encore. Puis une graine de doute trouva terreau fertile dans un coin sombre de son coeur. On le sait bien, les graines de doutes poussent dans l’obscurité de nos peurs. Et cette graine là vint prendre terre dans une partie du jardin intérieur de Révision assombris par une canopée de Peurs, qui ne laissait plus passer la lumière de la Foi. Le jardin des Peines. 

 

    Entre veille et sommeil, cette petite graine poussa, poussa, poussa encore devenant plante puis bientôt arbre dont le sommet se perdait dans les nuages. Révision se retrouva au pied de cette arbre gigantesque au tronc large comme une maison. Le vent de ses pensées soufflait de plus en plus fort dans son jardin intérieur, déracinant les plus jeunes arbres, effeuillant les buissons, détachant les pétales des quelques fleurs du jardin. La tempête était là. Révision entendit un hululement juste au dessus d’elle. Levant la tête, elle fut hypnotisée par deux grand yeux jaunes.

Le Hibou hulula:

 « Ouh Ouh, où va tu petite Bonnefemme? 

        Révision répondit:

« Je ne sais pas vraiment, je cherche à me protéger de la tempête.

« Ouh ouh, où peut on bien se protéger, si l’on porte la tempête en nous-même?

Révision comprenait que ce hibou parlait d’elle.  

« Comment faire alors pour calmer ce vent qui dévaste tout? 

« Hou hou, oubli tout, répondit le hibou. Hou hou, oubli toi dans l’oubli et le rêve éveillera tes insomnies. Apprends à voir les yeux fermés. »

 

    A ce moment, elle aperçu une faille sombre dans l’écorce du tronc qui s’était dérobée à son regard. S’y rapprochant, elle découvrit qu’elle où pouvait s’y glisser pour s’arbriter. Sans hésitation, elle se faufila dans l’arbre. Obscurité complète. Mais alors qu’elle s’attendait à devoir se faire toute petite, elle s’aperçu que la cavité était bien plus grande, et qu’un passage au creux de l’écorce lui permettait de s’étendre et même de descendre vers le bas, dans les racines. Entendant la tornade au dehors, elle se recroquevilla et décida de s’y aventurer. Le passage s’élargissait peu à peu, spiralant vers le bas. Finalement le conduit s’ouvrit devant elle en un terrier où des lumières scintillait ici et là. Révision eu à peine le temps de cligner des paupières qu’une multitude d’yeux vinrent capter son regard. Une grande Araignée venait de se laisser glisser le long de son fil d’argent pour s’arrêter à hauteur de son visage . 

• L’étoile du berger brille dans le ciel pour te guider sur le chemin du conscient, mais les toiles d’araignées brillent dans la terre pour réveiller ton insconscient. »

Révision était en train de vivre une de ses pires peurs. Elle tremblait de tout son corps. 

« L’endroit où tu te situe est au sein de toi même. Ici, le Peuple des Tisseuses est le gardien de ton sommeil et de tes rêves. 

« Suis-je dans un rêve, demanda-t-elle presque soulagée. » 

- Rêve ou réalité? Ou bien rêve et réalité? L’un et l’autre sont indissociable, comme les deux faces d’une même toile. »

 

    L’Araignée remonta le long de son fil, laissant le spectacle se dévoiler aux yeux de Révision. Des milliers d’araignées artisanes tissaient dans tous les coins de la salle des toiles aux géométries fractales, des fils d’argents, des fils dorées, scintillantes étoiles.

« Elles attrapent les rêves dans leur toiles, lui dit l’Araignée qui venait de réapparaitre. Si tu veux affronter tes peurs, tes rêves seront tes alliés pour voir les yeux fermés. Mais avant cela tu dois savoir les capter pour y entrer. 

-  Comment faire? lui demanda-t-elle. 

-  Tu dois apprendre à tisser ta propre toile…

    Révision, accompagnée de la reine Yé, commença son apprentissage. Elle découvrit d’abord comment dérouler le fil de ses pensées pour ensuite le tisser. Puis la reine Yé lui transmis la symbolique de chaque noeud, chaque géométrie d’une toile. Certains noeuds permettaient d’attraper les lieux du rêve, certains pouvait faire apparaitre des animaux, d’autres permettaient de changer d’époque.

« Ici, toute la Connaissance de l’Univers est disponible. »

Révision commença à entrevoir le potentiel infini du Rêve. Emerveillé par la beauté du tissage, elle oeuvra avec attention et dévotion, créant un grand mandala par le Fil de ses pensées. Une seule ligne, un seul fil entremêlé de tant de manières qu’il pouvait faire apparaitre un monde à lui tout seul. Toutes les Tisseuses étaient venues l’accompagnées, la guidées. Le temps n’avait plus aucun prise dans cette partie de son univers. Jusqu’au moment où… telle une artisseuse, elle acheva sa première toile. 

« Tu es prête ! lui dit son ami la reine Yé.

• Prête à quoi ?

• A voir les yeux fermés ! lança l’araignée en claquant ses mandibules.

En quelques secondes, des milliers de Tisseuses était apparues et s’étaient mises à tisser une toile autour d’elle, recouvrant ses pieds, ses jambes, son torse, ses bras, puis sa tête et enfin ses yeux. A ce moment, Révision se réveilla dans son lit en sueur. Que s’était il passé? Etait ce un rêve? Cela lui paraissait si réel. Se retournant, elle s’aperçu qu’au dessus de son lit un Attrape-Rêve était suspendu par un long fil argenté. Ce n’était pas un rêve. Ou plutôt si, c’était un rêve, mais pas n’importe lequel.

 

    C’est ainsi qu’en ouvrant la porte du monde des rêves et des veilleuses , Révision devint Rêvevision, à travers l’Art Sacré des Tisseuses.

 

    Chaque nuit, avant de dormir, elle prenait son Attrape-Rêve et déposait une intention. Petit à petit, elle apprit à voyager dans les mondes de son inconscient, rencontrer ses peurs et phobies, ses rêves et ses secrètes envies. Elle apprenait à observer les signes qui apparaissait, à lire les messages qui se glissait derrière tel animal, tel objet. Elle se rêvéveillait. Son quotidien changea de paire alors qu’elle explorait ses mondes intérieurs. Elle n’avait plus besoin de vérifier plusieurs fois chaque chose, car des rayons de foi réilluminait son jardin secret. Elle prenait soin d’y retourner un peu chaque jour pour le cultiver, l’honorer et le faire fructifier. Et elle se mit à broder, à tisser d’autres toiles pour ne pas laisser s’envoler ses rêves, rendant hommage à son amie la reine Yé. 

    Alors si par hasard vous croisez une toile d’araignée dans un coin de votre chambre, sur une branche d’arbre, ou en dessous de la table, observez avec toute votre attention, car une petite Tisseuse est peut être en train d’attraper un de vos rêves dans sa toile.