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Coérrance

     Voici la Fabulette histoire déboussolante d’une bonnefemme au nom d’Errance.

 

    Vous vous en doutez certainement, Errance passait son temps sur les chemins de la vie, en déambulance ici et là, en bas là-haut ou en haut là-bas, dans l’Ouest de l’Est, dans le Sud du dessous car son Nord était devenu complètement flou. Aussitôt qu’elle pensait le trouver, celui ci s’enfuyait, la laissant une nouvelle fois déboussolée. 

Une grande question émergea dans son esprit:

       « Comment faire pour garder le cap, quand autour, tout bouge si rapidement que l’on a l’impression de marcher sur des plaques dansant la tectonique ? »

 

    Errance ne savait pas, et s’enfermait sur elle-même. Elle se croyait seule à se trouver en peine. Autour d’elle, le monde paraissait se mouvoir sans problèmes, sans se poser toutes ces questions existentielles. 

Etait-elle folle ? Avait-elle à la fois perdu le Nord et la tête?       

    Errance partit en courant à travers les plaines et les champs, les forêts, les étangs. Elle courait pour fuir le temps, s’éloigner de l’ici et maintenant qui lui faisait si peur à présent. A bout de souffle et d’ espérance, elle s’écroula au bord d’une rivière qui coulait paisiblement.

 

    Elle ne se rendit pas compte que de l’autre côté du rivage se trouvait un petit bonhomme assis, les yeux rougis de larmes. 

Lorsqu’elle l’aperçut, Errance s’inquiéta.

  • Tout va bien ? » lui demanda t-elle.

Quelle question ! Évidemment que tout n’allait pas bien. 

Le petit bonhomme baissa la tête et lui répondit:

 

     « Je ne sais pas , je ne sais plus, à vrai dire je suis perdu. Cela fais des jours, des mois, des années que me voilà errant sans but à travers les méandres du temps. Je désirais le Sud , la chaleur du Soleil, mais je crois m’être perdu dans les rêves du sommeil. »

 

    Errance fut touchée au plus profond de l’âme. Elle n’était plus seule dans la tourmente.

       « Je me suis perdue aussi , lui répondit elle. En quête du Nord , pour me redonner un sens, j’ai atterri ici. »

Leurs regards se croisèrent. Errance était à la fois intriguée et attendrie par ce triste personnage.

 

    A ce moment, la pluie vint prendre part à la rencontre. Une goutte lui tomba en plein sur la tête , entre les deux sourcils. Son compagnon reçut la sienne au même instant. Ils se regardèrent. De gros nuages noirs débarquaient au-dessus de leurs têtes. Nul part où aller. Il n’y avait pas d’abris, il n’y avait plus d’abris. Ils ne pouvaient plus fuir cette fois. Les premières gouttelettes se transformèrent en goutte puis en bulle d’eau et ce fut l’orage. Comme si le ciel pleurait en communion, au-delà de l’espace et des âges.

Ils étaient deux maintenant, mis à nus et trempés jusqu’aux os, Errance et Errant, de chaque côté de l’eau. L’eau pénétrait chaque pore, chaque interstice de leur peau. Ils s’aquamorphosaient ! Jusqu’au moment où…

Une gouttelette, ayant chuté de plusieurs milliers de mètres de hauteur, se fraya un chemin depuis les pores de leurs peaux jusqu’au plus profond de leur corps, jusqu’au cœur. Cette gouttelette y glissa, chatouillant un point sensible de leur être. Ils s’éclaboussèrent de rire, et se mirent à se trémousser dans une sorte d’euphourire. Tristesse et enthousiasme s’entremêlaient, s’alchimisant dans le feu lumineux des éclairs. Ils communiaient ensemble, dans  le rire et la dérision de leurs situations.

Ils étaient perdus certes, mais au moins ils étaient deux. 

 

        La pluie se calma petit à petit. Errance regarda son       compagnon. Elle avait très envie de le retrouver, de se rapprocher de lui. Le petit bonhomme, bien que plus timide, en avait très envie aussi.

       « Qu’allons-nous faire ? demanda-t-elle. Nous sommes séparés par cette rivière. Tu souhaites aller vers le Sud, et je cherche le Nord. La vie nous en veut-elle encore ? »

Le petit Bonhomme, dont le rire avait libéré bien plus que les muscles de ses joues, eût une idée qui lui surgit d’un coup.

       « Pourquoi ne suivrions nous pas le courant de la rivière ?

Peut-être nous emmènera-t-il au bord de la mer ? »

Au même moment, le soleil surgit derrière un nuage, comme pour leur envoyer un message. Ses rayons illuminèrent une petite barque abandonnée au bord du rivage. Un navire de fortune, sur le point de couler, une épave pour celui qui ne sait plus rêver. Mais nos deux amis venaient d’entrer dans le monde du merveilleux. Ils virent dans cette barque, un présent venu des cieux. Ils n’auraient plus à choisir un côté du rivage, ni le Sud , ni le Nord, l’entredeux est plus sage.

    

      Ils se mirent à la rafistoler, de jour comme de nuit, sous les soleils et les pluies. Ensemble, à force de persévérance, ils lui redonnèrent une jeunesse oubliée. 

Animés d’une émotion encore inconnue, ils la remirent à l’eau et s’en allèrent tous les deux, bercés par les flots…

Ce fut la rencontre du Yin et du Yang, du Nord et du Sud, 

 

        En rencontrant un compagnon de voyage, par la magie de la cohésion, Errant et Errance devinrent …Coérrance.

 

    Ils voyagèrent ensemble, au gré des vents, des marées, embarqué dans le même bateau, la même aventure. Ils apprirent à se connaitre, dans les beaux comme les mauvais temps, sous les tempêtes et les orages, comme sur les plus sauvages des plages. A petit pas, à petits coups de pagaies, trouvant l’équilibre, leur propre cadence, harmonisant leurs forces pour garder le cap, voguer vers l’horizon de leur vie. 

Ils étaient un reflet, l’un pour l’autre, un miroir pour se voir, pour apprendre, et grandir main dans la main tout en marchant sur son propre chemin.

                 

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