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Poéssimiste

Voici la fabulette histoire libératrice d’un petit bonhomme au nom de Pessimiste.

 

 

    Vous vous en doutez certainement, Pessimiste était un bonhomme qui ne voyait pas la vie en rose mais plutôt aigrise. Comme l’adage le dit si bien, il voyait son verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein. En parlant de verres, il faut dire qu’il s’était noyé dans des eaux sulfureuses qui troublaient ses pensées au milieu des vapeurs de liqueurs mélancoliques. Pessimiste passait son temps au bar au bord du comptoir, sur la même chaise en bois de frêne, de l’aube jusqu’au soir. La lumière se faisait terne dans ses yeux, et goutte après goutte son regard devenait hagard.

 

    Toute sa vie, il n’avait pas été comme cela, mais le destin ne lui avait pas souri, loin de là. Des mauvais choix ? Des erreurs de parcours ? Il y en avait sur sa route, comme toujours. Il portait sur ses épaules un fardeau trop lourd pour lui, un sac à malheur emplis de soucis. Pessimiste se retrouvait dans l’ombre de la lumière, plongeant dans l’obscurité de la nuit.

    « De toute façon, la vie c’est une longue et grande souffrance  On mourra tous un jour, alors dis-moi donc quel est son sens ? J’ai trop chuté, on m’a piétiner, alors j’préfère rester couché ! » Il répétait cela à longueur de journée, aux clients du bar commandant leur tournée. 

    « Pis t’façon, vous avez bien vu qu’on court dans le vide ! On changera pas le monde tant que c’est des imbéciles qui décident ! ».

 Certes, il aurait voulu changer le monde dans sa tendre jeunesse mais se cogna contre de fausses promesses gravées sur un mur entre l’ouest et l’est. Il divoguait depuis ces temps-là, prisonnier d’une toile d’araignée dont le piège à petit pas s’tissait et dont tous les chemins l’emmenaient au rhum. 

    Un beau jour, comme tous les autres, alors qu’il lustrait les planches du comptoir ,quelques chose fit changer le cours de l’histoire.

Quelqu’un  vint s’asseoir sur la chaise d’à côté pour commander un café. C’était une petite bonnefemme, pas bien grande, plutôt jolie, simple, naturelle, une coiffure sortie de lit. Pessimiste la regarda un moment, puis il replongea son nez rouge dans son verre, son verre de rouge.

      « Chienne de vie, vide de sens, sans intérêt et sens interdit, l’un passe, l’autre s’enfuit, plus d’issue, et on remet nos chaines de vie, vide de sens… » déclamait-il à voix haute.

 

 

    La bonnefemme tourna son regard vers lui et plongea dans ses

yeux vitreux. Ce n’était pas le regard de pitié dont il était habitué, ni un regard de haine. C’était un regard de vérité, qui plonge dans votre intimité perçant votre carapace jusqu’au cœur de vous-même. Elle avait des yeux bleus azur, deux perles célestes taillées dans de l’or pur. 

    « Vous avez l’air d’aimer les mots, mais vous les maniez à mauvais escient. C’est un sacré don, dont vous n’êtes pas conscient. Avez-vous déjà mis vos douleurs en lettres ? Vous devriez essayer, c’est une si belle manière de soigner l’être. »

    Sur ces mots, elle régla son café et s’en alla sans se retourner Pessimiste ne savait pas trop si il venait de rêver. Quelques heures et gorgées plus tard, il mit cela sur le compte de l’hallucination. Blanc, rose, puis jaune dans un verre, il était bien peinturer. 

Bien qu’il n’ait gardé souvenir de la bonnefemme, ses mots restèrent gravé. Il n’en avait pas perçu le sens sur le moment, mais ils se frayèrent un chemin dans son inconscient. Le lendemain, il retourna sur sa chaise attitrée, et se remit en route pour une nouvelle tournée. 

 

        Un évènement inhabituel survint à la fin de la matinée . Revenant au comptoir après avoir pris l’air, il trouva quelque chose à côté de son verre. Une feuille blanche, blanche comme les nuages sur laquelle un stylo était posé. Un beau stylo à l’encre bleu, un bleu marin comme les yeux de la bonnefemme dont il pensait avoir rêver.  

Baissant le regard, ses yeux furent inspirés par la feuille blanche. Lui qui broyait le noir fut ébloui par cette lumière intense et dut fermer les paupières un instant.

 

    Lorsqu’il les rouvrit, il n’en cru pas se ses yeux car au milieu du papier s’étaient mis à nager… des mots. Des mots qui dansaient, bougeaient, ondulaient comme des poissons bleus dans un océan blanc. Autour d’eux voguaient des bateaux strophes avec des rimes pour avancer, et des paroles qui prenaient le souffle des vents devenant voix liées. 

    Pessimiste observait avec stupeur et émerveillement ce qu’il se passait dans les mers de ce quadrilatère blanc. Une petite voix, comme un écho venu des profondeurs, lui intima de pécher ces poissons-lettres avant qu’ils ne s’enfuient. Son stylo devint canne à pêche, attrapant ces mots-poissons à l’encre de seiche. Sur le bar accoudé, il devint pêcheur de poissylabes. Il écrivit ainsi des heures durant sans pouvoir lever l’ancre du papier.  

    Lorsqu’enfin il leva son stylo de la page blanche, celle-ci était devenu bleu de mots. Des mots emmêlés, des mots sons, d’émotions en expression, de mots doux en mots dits, il se mit à écrire en poésie l’histoire de sa vie. Tout ce qu’il n’avait jamais su dire, ce qu’il n’avait pu exprimer auparavant, s’écoulait à l’encre de son sang. A mesure que les mots se déposaient, des tensions dans son corps se mettaient à bouger car il se libérait de son passé et de son emprise en faisant sa propre poésychanalyse. 

 

    Ainsi, chaque jour Pessimiste revenait sur sa chaise de bar à l’heure d’ouverture pour continuer son voyage au pays de l’écriture. Par moments, il riait, à d’autre il s’énervait, et parfois quelques larmes coulaient. Ce qu’il ressentait était puissant car son passé se conjuguait au présent. Pessimiste écrivivait.

 

    Le septième jour, aux dernières lueurs du soleil, son stylo bleu s’arrêta enfin de bouger. Il releva doucement la pointe, puis la tête pour regarder autour de lui. Il refaisait surface après une plongée dans ses abysses. Il prit une grande inspiration, laissant l’air pénétrer chaque alvéole de ses poumons. Les couleurs du mondes revenaient jusqu’à ses pupilles dont le voile sombre s’était envolé quelque part dans l’inconnu. Pessimiste se sentait épuisé, vidé, et en même temps si léger.

Il venait de voyager dans une mer de vers dont les vagues avait fait dessaoulé son bateau ivre. De verre il n’en avait pas bu mais seulement écrit transformant son ivresse en envolée livresque. 

 

    Son verre de rosé devenu vers à proser, par la beauté de la poésie, Pessimiste devint... Poéssimiste faisant rimer les mots pour leur donner vie.

 

    Sa vie continua, semblable à celle d’avant, mais son regard avait changé. Une lumière y avait trouvé un foyer bienveillant. Et sur sa chaise de bar, il écrivait des poèmes pour mettre en vie ses états d’âmes, ainsi que ceux des gentilshommes et gentillesdames, qui prenaient place au comptoir à ses côtés pour lui raconter leurs histoires.

 

    Alors si il vous arrive d’être perdu, de ne plus savoir dans cette mer à boire, n’hésitez pas à prendre une feuille blanche pour y poser l’ancre le temps de conter votre histoire.

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