
Cantatriste
Voici la Fabulette histoire émouvante et enchanteresse, d’une petite bonnefemme au nom de Tristesse.
Vous vous en doutez certainement, Tristesse était une bonnefemme qui n’arrivait pas être heureuse. Elle aurait bien voulu, mais elle était si sensible aux émotions qu’elle absorbait en elle tous les malheurs qui l’entouraient. Une éponge à pleurs. C’était là son grand défaut, son épée de Damoclès, qui perçait son grand cœur de Tristesse. En entrant dans une pièce, elle pouvait ressentir les émotions des gens, et plus que ça, elle les vivait vraiment. Ainsi, Tristesse portait en elle la douleur des êtres vivants, de la brindille qui brûle au soleil jusqu’à l’ éléphant enfermé entre des barreaux d’acier. Elle pouvait être la colère du père au retour du boulot, le désespoir de l’ivrogne au bar qui enquille les dijos, la peur de cette femme ne voyant pas son fils rentré, la souffrance de cette fille qui vient juste de se faire quitter. « C’est comme ça » se disait-elle, comme une fatalité, se forçant à accepter cette plaie qui s’était incrustée. Et il y avait de quoi souffrir, rien qu’en allumant sa télé : des drames à profusion aux quatre coins de l’humanité.
Alors un beau jour, Tristesse décida de ne plus sortir de chez elle, s’extirpant de la maladie du monde qui était sienne. Et la joie me direz-vous ? Eh bien, la joie aussi elle s’en imprégnait, mais dans la ville où elle vivait, ce n’était malheureusement pas ce qui prédominait.
Tristesse ne voyait plus grand monde, mais cela n’arrangea pas son état. Elle aimait beaucoup trop l’humanité, et les êtres vivants, ainsi elle souffrait en silence, dans son petit appartement. De sa chambre de bonnefemme, elle contemplait les toits, et observait par moment les fenêtres des voisins d’en face. Elle aimait voir la vie de gens et ce qu’il s’y passe. Mais même séparé par des doubles vitrages de protection, elle arrivait quand même à absorber leurs émotions.Plus rien ne la faisait sourire, et à petit feu, elle se laissait désespérire.
Sifflotements.
Lorsqu’un jour, une chose lui apporta un peu de baume à l’âme. Une chose, ou plutôt un oiseau, un petit rossignol, qui aimait à pousser la sérénade. Ce dernier, à l’arrivée de l’automne avait entrepris de construire son nid près d’une cheminée, face à sa chambre de bonne.
Et tous les matins, ce petit animal ailé, chantonnait, cuicuitait, roucoulait des mélodies à la volée.
Tristesse ne sut pas pourquoi, mais cela lui fit drôlement chaud au cœur. Elle se réveillait à l’aube pour assister à ce concert en plein air. Chaque jour, chaque matin, le rossignol chantait pour accueillir … devinez qui ? Le soleil pardi ! Et la journée , il faisait des vols dans tous paris, cherchant des brindilles pour fabriquer son nid.
A force d’écouter le rossignol chanté, Tristesse commençait à percevoir au travers des mélodies, le message qui s’y cachait. Lorsque les nuages allaient pleurer, où que le vent se mettait à tempêster, l’oiseau chantait une cantonade approprié. Elle leur donna un nom pour chacune : le chant du grand vent, le chant des amours, le chant du soleil levant ou le chant des beaux jours. Elle aurait aimé s’envoler en mélodie avec lui, mais elle était trop timide pour ça, elle n’avait jamais chanté de sa vie et surtout n’avait pas une belle voix.
Un beau matin, comme tous les autres, elle se leva et alla à sa fenêtre. Surprise, le rossignol était à sa rambarde, au milieu de son bac à pacoeurettes.
Elle ne l’avait jamais vu d’aussi près. Ses plumes scintillaient de reflets bleus et argentés. Ses yeux plongèrent dans les siens, et Tristesse eu l’impression qu’il lui parlait.
« Pourquoi croyez-vous que je chante ? »
Tristesse regarda autour d’elle, pour voir si ce n’était pas une hallucination.
« Oui , vous mademoiselle, pourquoi croyez-vous que je chante ? »
Tristesse ne savait pas si un oiseau était réellement en train de lui parler, mais elle lui répondit :
« Eh bien, pour la pluie, pour le beau temps, pour chanter la vie en mélodie »
- C’est vrai, répondit le rossignol, mais pas seulement. Je chante pour le bon comme le mauvais temps, pour l’allégresse et la tristesse, je chante pour vous et pour tous les gens, mais surtout je chante pour exprimer ce que je ressens. Et vous devriez en faire autant… .
- Mais je ne sais pas chanter ! s’exclama-t-elle.
- Ah ! mais cela ne s’apprend pas ! Cela se vibre. On vous a donné la voix, vous n’avez rien à perdre en la faisant vivre. Si vous voulez, chantez avec moi. Une note, celle qui vous plaît, et ensuite vous n’avez qu’à suivre ma voie. »
Sur ces mots, le rossignol gonfla son torse et en sortit une note divine. Tristesse fit de même, elle ferma les yeux, inspira le maximum d’air dans ses poumons puis laissa s’écouler l’air le long de sa trachée art-air, faisant vibrer ses cordes vocales d’une toute nouvelle manière.
Sa première note ! Était-ce une bonne note ? Elle n’en savait rien, mais pour elle c’était la meilleure qu’elle n’est jamais eu. Car cela lui fit un grand bien. C’est physique, lorsque les molécules vibrent, elle s’agitent et font de la chaleur, et c’est justement ce qu’il se passait tout au fond de son cœur.
Le rossignol commença de son côté à entremêler les notes , et à les emmélodier. C’était un nouveau chant que Tristesse n’avait jamais écouté.
« C’est le chant de la naissance , de la vie qui prend voie, le chant de notre essence qui s’exprime dans la foi, le chant de nos peurs nos douleurs et frustrations, le chant du cœur qui délivre ses émotions. »
Légère comme l’air du vent, Tristesse planait sur ces envolées musicielles, et laissant ses peurs sur terre, elle chanta ce qui sommeillait en elle. Sa voix se transformait en un oiseau lyrique, dont le chant vibrait de la France à l’ Afrique, du noyau de ses cellules jusqu’aux contrées intergalactiques .Des larmes puis des rires se mêlèrent à la partition. Elle se laissa Portée, et cela La La Mi en Rédemption.
C’était donc cela la Clé pour soigner ses cicatristes.
C’est ainsi qu’en laissant vibrer sa voix et au travers d’elle ses émotions, Tristesse devint… Cantatriste, trouvant sa voie et son expression.
Le rossignol , il est peu dire, était aux anges, d’autant plus que la chorale grandit en compagnie d’une demoiselle mésange.
Ils chantèrent tous les trois, tout le jour durant, et la musique continua ainsi les jours suivants.
Cantatriste trouva le courage de ressortir de chez elle. Elle était toujours sensible, mais lorsqu’elle sentait l’émotion venir, elle l’accueillait et se mettait à la chanter, pour le plus grand étonnement des badauds du quartier.
Alors si vous croisez quelqu’un qui fredonne sur le trottoir, sur son vélo, ou dans l’escalier de votre bâtiment, ne vous inquiétez pas, c’est qu’il ou elle soigne ses douleurs et peut être les vôtres également
FIN
Les Fabulettes Métamorphoses
Cantatriste
Petit Nömad
